lundi 29 mars 2010

Ségolène Royal : "Je peux être candidate à l'élection présidentielle"

Ségolène Royal, le 23 mars 2010, répondant à la journaliste Laurence Ferrari lors du journal de 20 heures sur Tf1, en l'espace de 18 secondes :

S. Royal : Vous savez, Laurence Ferrari, je peux être candidate à l'élection présidentielle. D'autres personnalités meilleures que moi s'y sont reprises à plusieurs fois pour être élu. Mais je peux...

L.Ferrari : François Mitterrand ?

S.Royal :
Oui... Mais je peux aussi ne pas être candidate ; et à l'heure où je vous parle, je ne suis pas candidate à l'élection présidentielle.

Le verbe "pouvoir" est ici un auxiliaire de mode qui exprime l'éventualité et non d'autres modes tels que : "avoir la capacité de" ou "avoir le droit de". Les contraires exprimés, à savoir être et ne pas être candidate, sont les deux possibilités de cette éventualité et ne forment pas une contradiction. Cette modalité renvoie l'accomplissement du procès dans le futur. On pourrait ainsi lui donner pour synonyme : il est possible que je sois candidate.

Cette valeur modale du verbe "pouvoir" se rencontre plus souvent avec une tournure impersonnelle. Exemples :
1. Il se peut qu'elle vienne (présuppose qu'elle peut également ne pas venir)
2. Il peut pleuvoir demain, mais il peut aussi ne pas pleuvoir.



L'extrait se situe à 02m30s - lien direct vers la vidéo sur wat.tv

jeudi 25 mars 2010

Remettre à demain ce que l'on peut faire d'une seule

Ce matin, le journaliste Léon Mercadet lance ce que l'on considérera comme la blague du jour lors de l'émission La Matinale, sur Canal +.

"Il ne faut jamais remettre à demain ce qu'on peut faire d'une seule".

Voici un joyeux parhyponoïan, c'est-à-dire une substitution en fin d'énoncé qui va à l'encontre de ce qui est normalement attendu. Le parhyponoïan se joue facilement des expressions figées, et notamment des proverbes (1). Ici, l'effet comique est renforcé par le calembour, nous faisant entendre, par paronymie (2), deux mains en place de demain ; cette interversion étant motivée par l'absence de référent explicite du syntagme "une seule" et qui nous amène à en chercher un afin d'établir la pertinence de l'énoncé qui sinon est absurde.

A en regarder de près le fonctionnement cette figure apparaît complexe, mais pour autant le trait d'humour est facile à comprendre, presque immédiatement, c'est dire la virtuosité de notre petit cerveau.



(1) Autre exemple fameux : Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se noie.
(2) La paronymie désigne la ressemblance de prononciation entre deux termes.

mercredi 24 mars 2010

"Je hais les schtroumpfs" : slogan vu lors de la manifestation du 23 mars 2010

JE HAIS LES
SCHTROUMPFS

A première vue, le slogan est en décalage par rapport à la situation, incongru au point d'en devenir humoristique. Mais incongru aussi en soi, par le jugement exprimé envers "les schtroumpfs" et dont la justification nous échappe : les schtroumpfs sont-ils si haïssables ? Ainsi le message, parce qu'il ne dit rien d'autre que cela, ne permet pas d'ouvrir d'autres interprétations.

Or, on peut se douter qu'en pareille occasion les "schtroumpfs" ne désignent pas les personnages créés par Peyo. Il m'aura fallu une petite recherche pour en trouver l'explication dans un article de lyon-info.fr :
"Emploi aussi à la SNCF. « Je hais les schtroumpfs », peut-on lire sur une pancarte. Les schtroumpfs, c’est IBM, Big Blue dans le jargon des initiés. La multinationale américaine doit prendre en charge toute l’informatique interne de la SNCF. L’accord vient d’être signé et doit s’appliquer à la rentrée, explique un informaticien maison. « Ils vont faire travailler des gens en Inde, alors que nous, on ne sait pas ce qu’on va devenir », déplore-t-il."

Moralité : un message incompréhensible en soi peut aussi être efficace, puisque Lyon-info.fr l'a remarqué, Lemonde.fr(1) également, et je m'ajoute à la liste.

(1) En photo, la cinquième, dans le portfolio sonore sur Lemonde.fr


mardi 23 mars 2010

Jean d'Ormesson : "Nous vous aimons, Madame".

En clôture du discours de réception de Simone Veil à l'Académie Française, le 18 mars 2010, Jean d'Ormesson lance une déclaration d'amour qui, pour publique qu'elle soit, se pare des atours de l'intimité :
"Je baisse la voix, on pourrait nous entendre : comme l'immense majorité des français, nous vous aimons, Madame".
Le discours intégral sur le site de L'Académie Française

Le discours de Jean d'Ormesson est pourtant très loin d'un cadre intimiste puisque la séance est publique, de nombreux invités sont présents, les médias sont tout ouïe, et l'orateur dûment juché sur sa tribune : Voilà une situation qui a priori ne sied guère aux confidences. Alors Jean d'Ormesson en crée une nouvelle de toutes pièces, ou plutôt de ses mots. Il simule un cadre de communication plus confidentiel en précisant qu'il "baisse la voix", laquelle déclaration est assortie d'une justification ironique car l'hypothèse exprimée "on pourrait nous entendre" présuppose que personne ne devrait les entendre, ce que le contexte dénie. Ainsi il dénonce la gageure dans le même temps qu'il la crée.

Le jeu des pronoms est significatif : le pronom "nous" désigne les académiciens et se démarque du "on" qui renvoie au reste de l'auditoire. Il fait de nouveau référence à cet auditoire à travers "l'immense majorité des français" qu'il associe cette fois à sa déclaration d'amour.

Jean d'Ormesson joue dans son discours des sphères intime et publique, confrontant les contraires, pour mieux les confondre. Un souffle d'ironie aura suffi à faire tenir ce tour de magie.

jeudi 18 mars 2010

François Baroin : "Les gens n'ont pas voté Sarkozy pour avoir des gens de gauche à tous les postes"

François Baroin a déclaré dans l'émission "L’invité de 18h15" du 17 mars 2010 sur France Info :

"Il faut arrêter cette politique d'ouverture. Les gens n'ont pas voté Sarkozy pour avoir des gens de gauche à tous les postes".

L'emploi du pronom indéfini "tous" est en décalage par rapport à la réalité car il est faux de dire qu'il y a "des gens de gauche à tous les postes". Le procédé ici utilisé est une hyperbole(1) qui vise à exagérer le propos pour mieux le mettre en relief et ainsi appuyer la prise de position qui précède, à savoir : "il faut arrêter cette politique d'ouverture".




(1) L'hyperbole est une figure de style qui consiste à exagérer l'expression d'une idée ou d'une réalité afin de la mettre en relief.

mercredi 17 mars 2010

« Devenez vous-même » : le slogan de la dernière campagne de recrutement de l’Armée de Terre

L’énoncé véhicule un présupposé, i.e une information implicite qui se déduit directement de l’énoncé : vous n’êtes pas encore vous-même. Quelle drôle d’idée ! Et elle interpelle d’autant plus le récepteur qu’elle est induite par une formule de type injonctif : le verbe conjugué à l’impératif présent, 2ème pers. du sing. renvoie à un ordre ou à un conseil. Pour autant, on comprend aisément qu’il ne s’agit pas d’une transformation complète mais que cela s’apparente à une philosophie : l’idée de se réaliser dans un projet de vie personnel. D’ailleurs la formule est connue de la philosophie, on la retrouve notamment dans les œuvres de Pindare et Nietzsche (1).

Afin de poursuivre cette brève analyse, on s’attachera de nouveau à ce qui n’est pas dit dans l’énoncé et qu’on pourrait attendre d’un tel message qui, rappelons-le, est le slogan du recrutement de l’Armée de Terre : il n’y a pas de référence explicite à l’Armée. Se pourrait-il alors que l’Armée de terre se plaise à seulement distiller quelques conseils philosophiques ? Bien évidemment non, le message à décoder est sous-entendu (2) par l’énoncé et laisse entendre : « Engagez-vous dans l’armée ». Cette absence de référence militaire se retrouve dans tous les textes de la campagne : « Vous faites comment pour qu’on vous suive ? » ; « Pour vous, c’est quoi la confiance ? » ; « Depuis quand vous ne vous êtes pas dépassé ? »

Pour abstrait qu’elle soit la formule, grâce aux implicites, en dit très long. On peut inscrire ce slogan dans la catégorie : comment dire beaucoup sans même le dire.



(1) dont on trouvera quelques citations sur le site philosophique de l'académie de Reims
(2) un sous-entendu désigne un élément non exprimé dans le discours mais qui est laissé à entendre
 
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