À l'occasion d'une rencontre avec les représentants des syndicats agricoles lors du dernier Salon de l'Agriculture, le 06 mars 2010, Nicolas Sarkozy a prononcé une phrase, devenue depuis petite phrase, et qui continue de faire couler beaucoup d'encre. Cela m'a amené à m'interroger sur les raisons qui peuvent supporter le succès de ce genre de phrases qu'on découpe et qu'on brandit à la Une.
... une antiphrase, car "bien faire" est à comprendre dans le sens inverse.
... une réticence toute rhétorique. Nous sommes en effet invités à compléter l'énoncé car l'emploi absolu du verbe "faire" n'a pas de sens précis : [les questions d'environnement commencent à faire...] quoi ? a-t-on envie d'ajouter. Eh bien disons [commencent à faire... suer], pour éviter de se compromettre dans des synonymes plus vulgaires.
... une périphrase verbale "commence à faire" qui n'envisage que le début de l'action exprimée par le verbe, laquelle se retrouve comme suspendue en plein vol, laissant planer l'épée de Damoclès d'un sous-entendu des plus logiques : si "ça commence à bien faire", alors [cela doit cesser].
J'ajoute pour en finir avec le sacre réservée à cette expression qu'elle manifeste un certain agacement, le Tlf nous dit "pour marquer qu'on est à bout de patience et que le mécontentement est encore susceptible de croître si ce qui le provoque ne cesse pas", et c'est peut-être là son intérêt, l'expression aura beau être couchée froidement sur le papier des journaux ou l'écran d'un ordinateur, elle véhiculera toujours les sentiments du locuteur, comme si on l'accompagnait d'une didascalie "dit-il, à bout de patience, agacé, énervé". Voilà le cocktail détonnant d'une expression pourtant banale.
Revenons maintenant au discours et à la signification que prend l'expression "ça commence à bien faire" dans ce contexte. Tout d'abord le pronom "ça" est indéfini et reprend ce qui précède, en l'occurrence "toutes ces questions d'environnement". Ici, l'adjectif indéfini "toutes" marque l'idée d'intégralité et opère ainsi une généralisation du propos, ce qui permet de sortir la citation de son contexte d'origine sans toucher à sa signification. À mon sens, elle est là la raison qui assure le succès et la pérennité d'une telle phrase, on peut la retranscrire telle quelle* ; grâce à la généralisation, elle véhicule avec elle tout le contexte nécessaire à sa compréhension, elle forme un tout. Il n'est donc pas étonnant que les médias aient retenus cette "petite" phrase. Ailleurs dans le discours, on croise une autre phrase de sens équivalent mais qui n'a pu rivaliser avec la première : "il faut que nous changions notre méthode de mise en œuvre des mesures environnementales en agriculture". Celle-ci était plus précise, plus explicite et évitait la généralisation à l'ensemble des questions d'environnement.
* Afin de rendre justice au texte, les reprises dans la Presse modifiaient la structure grammaticale de la phrase et prenaient le plus souvent les formes suivantes : "l'environnement", "ça commence à bien faire" ou "ces questions d'environnement", "ça commence à bien faire".
"Je voudrais d'ailleurs, au point où j'en suis, dire un mot de toutes ces questions d'environnement. Parce que là aussi, ça commence à bien faire. Je crois à une agriculture durable, j'y crois. Je ne renoncerai pas à l'ambition de mettre la France au premier plan des pays qui construiront une économie durable et une agriculture durable".L'énoncé est en premier lieu une expression commune : "ça commence à bien faire". De ce fait, elle est facilement compréhensible sans même avoir besoin d'en décortiquer les subtilités, et c'est bien dommage car plus je m'y plonge plus elle m'épate. Imaginez donc, nous avons là sous l'apparente simplicité d'une expression qu'on dira à titre péjoratif "populaire"
Sce : Elysee.fr (La transcription du site remplace "ça" par "cela")
... une antiphrase, car "bien faire" est à comprendre dans le sens inverse.
... une réticence toute rhétorique. Nous sommes en effet invités à compléter l'énoncé car l'emploi absolu du verbe "faire" n'a pas de sens précis : [les questions d'environnement commencent à faire...] quoi ? a-t-on envie d'ajouter. Eh bien disons [commencent à faire... suer], pour éviter de se compromettre dans des synonymes plus vulgaires.
... une périphrase verbale "commence à faire" qui n'envisage que le début de l'action exprimée par le verbe, laquelle se retrouve comme suspendue en plein vol, laissant planer l'épée de Damoclès d'un sous-entendu des plus logiques : si "ça commence à bien faire", alors [cela doit cesser].
J'ajoute pour en finir avec le sacre réservée à cette expression qu'elle manifeste un certain agacement, le Tlf nous dit "pour marquer qu'on est à bout de patience et que le mécontentement est encore susceptible de croître si ce qui le provoque ne cesse pas", et c'est peut-être là son intérêt, l'expression aura beau être couchée froidement sur le papier des journaux ou l'écran d'un ordinateur, elle véhiculera toujours les sentiments du locuteur, comme si on l'accompagnait d'une didascalie "dit-il, à bout de patience, agacé, énervé". Voilà le cocktail détonnant d'une expression pourtant banale.
Revenons maintenant au discours et à la signification que prend l'expression "ça commence à bien faire" dans ce contexte. Tout d'abord le pronom "ça" est indéfini et reprend ce qui précède, en l'occurrence "toutes ces questions d'environnement". Ici, l'adjectif indéfini "toutes" marque l'idée d'intégralité et opère ainsi une généralisation du propos, ce qui permet de sortir la citation de son contexte d'origine sans toucher à sa signification. À mon sens, elle est là la raison qui assure le succès et la pérennité d'une telle phrase, on peut la retranscrire telle quelle* ; grâce à la généralisation, elle véhicule avec elle tout le contexte nécessaire à sa compréhension, elle forme un tout. Il n'est donc pas étonnant que les médias aient retenus cette "petite" phrase. Ailleurs dans le discours, on croise une autre phrase de sens équivalent mais qui n'a pu rivaliser avec la première : "il faut que nous changions notre méthode de mise en œuvre des mesures environnementales en agriculture". Celle-ci était plus précise, plus explicite et évitait la généralisation à l'ensemble des questions d'environnement.
* Afin de rendre justice au texte, les reprises dans la Presse modifiaient la structure grammaticale de la phrase et prenaient le plus souvent les formes suivantes : "l'environnement", "ça commence à bien faire" ou "ces questions d'environnement", "ça commence à bien faire".
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