jeudi 29 juillet 2010

La Marseillaise, "Mais ces despotes sanguinaires..."


Couplet 5

Français, en guerriers magnanimes,
Portez ou retenez vos coups !
Épargnez ces tristes victimes,
À regret s'armant contre nous. (bis)
Mais ces despotes sanguinaires,
Mais ces complices de Bouillé,
Tous ces tigres qui, sans pitié,
Déchirent le sein de leur mère !

Texte retenu par la Présidence de la République,
à lire dans les archives du site
Elysee.fr plutôt que
sur le nouveau portail, à moins de couper le son.



Depuis le jour où j'ai eu à me pencher sur le texte de La Marseillaise pour un débat sans fin portant sur une histoire de "sang impur" ; depuis ce jour donc, je n'ai cessé de m'interroger sur l'ellipse grammaticale du cinquième couplet dans la phrase qui court des vers 5 à 9. A priori cette phrase est nominale, elle ne comporte pas de verbe conjugué et consiste en une juxtaposition de syntagmes. On ne se laissera pas avoir par l'apparence trompeuse de la forme verbale conjuguée "déchirent", laquelle participe à la proposition subordonnée relative à l'antécédent "tigres". Non, rien à faire, elle semble bien nominale cette phrase ; et pourtant il y a un "mais", et même un deuxième*, lesquels invitent à penser l'opposition ou la concession avec ce qui précède. Et qu'y trouve-t-on qui correspondent à "ces despotes sanguinaires" ? Eh bien "ces tristes victimes". Là, la phrase nominale éclate sous le coup de la congruence grammaticale et laisse entrevoir un hypothétique complément d'objet direct du verbe conjugué à l'impératif, "épargnez". On peut dès lors combler l'ellipse grammaticale : "mais [n'épargnez pas] ces despotes sanguinaires".

À quoi peut donc servir une telle figure de dissimulation ? Nous appellerons cela une retenue toute diplomatique qui évite l'incitation explicite au crime.

Petite appréciation personnelle : cette phrase avec ces trois juxtapositions, comme suspendue en plein vol et dans l'attente imminente d'un couperet qui déjà rugit dans le fors intérieur du chanteur m'invite à penser que les silences, les implicites, ont une force certes moins spectaculaire que les mots mais bien plus impressionnante ; une question de suggestion sûrement.




mercredi 14 juillet 2010

"Rien", nota Louis XVI

C'est 14 juillet, c'est fête nationale, feux d'artifice, bal des pompiers et tutti quanti. Et je décide de me pencher sur ce "rien" que nota Louis XVI sur son journal à la date du 14 juillet 1789.

Fac-similé du journal de Louis XVI, mois de juin et juillet 1789.


Mardi 7 : Chasse du cerf à Port-Royal, pris deux.

Mercredi 8 : Rien.

Jeudi 9 : Rien. Députation des États.

Vendredi 10 : Rien. Réponse à la députation des États.

Samedi 11 : Rien. Départ de M. Necker.

Dimanche 12 : Vêpres et Salut. Départ de MM de Montmorin, Saint-Priest et la Luzerne

Lundi 13 : Rien.

Mardi 14 : Rien.

Mercredi 15 : Séance à la salle des États et retour à pied.

Jeudi 16 : Rien.

Vendredi 17 : Voyage à Paris et à l’Hôtel de Ville.

Samedi 18 : Rien.

Dimanche 19 : Vêpres et salut. Retraite de MM. De Montmorin et Saint-Priest.

Lundi 20 : Promenade à cheval et à pied dans le petit parc, tué dix pièces.

Mardi 21 : Rien. Retraite de M. de la Luzerne. Le cerf chassait au Butard.



Extrait de la retranscription du journal de Louis XVI, du 7 au 21 juillet 1789.


Par bonheur, Philippe Lejeune, dans l'article "Rien", publié dans Le Bonheur de la littérature, Variations critiques pour Béatrice Didier, P.U.F., 2005, rappelle la méprise souvent propagée quant à l'interprétation de cette toute petite phrase. En premier lieu, le journal de Louis XVI ressemble à un agenda "rétrospectif" et non une chronique des événements du pays, il y note de manière succincte et factuelle ses faits et gestes du jour, une ligne par jour seulement, un mois par page. En second lieu, le journal est mis au propre chaque mois à partir de notes, l'entrée du 14 juillet 1789 a donc été rédigée au mois d'août 1789, reprenant scrupuleusement les notes du mois de juillet. Enfin, le roi n'apprend la Prise de la Bastille que le lendemain matin, le 15.

C'est l'occasion d'aborder deux notions : le contexte et le cotexte. Le contexte est l'environnement extra-linguistique, i.e en dehors du texte, dans lequel se place un énoncé. Le cotexte est l'environnement textuel dans lequel se place un énoncé. Ici on observe un conflit entre le contexte et le cotexte. Il est tentant d'interpréter le "rien" de Louis XIV en fonction du contexte, à savoir les événements se déroulant à Paris le 14 juillet 1789, mais, puisque ces faits sont ignorés du diariste, on ne peut y déterminer une quelconque réaction aux dits événements. Quand on analyse le cotexte, ce que fait Ph.Lejeune, on s'aperçoit que les éléments que mentionne habituellement Louis XVI ont trait à ses déplacements, ses décisions, ses parties de chasse etc... "Rien" doit être interprété en fonction de cela et cette mention très récurrente tout au long du journal ne fait que noter l'absence d'activités marquantes dans l'agenda du jour de Louis XVI. Ainsi, le 14 juillet 1789, il n'a rien fait de particulier.


S'il existe bel et bien un décalage entre le "rien" du journal de Louis XVI et notre chère Prise de la Bastille, celui-ci est une résonance mais sans raison, une coïncidence qu'on appellera au mieux l'ironie du sort.



Nb : Je ne saurai trop vous conseiller la lecture de l'article de Philippe Lejeune, publié sur son site autopacte.org, car il est très riche d'enseignement.

mardi 13 juillet 2010

Eric Woerth : "Est-ce que j'ai une tête à couvrir de la fraude fiscale ?"

Le 21 juin 2010, interrogé par Christophe Barbier sur LCI à propos de soupçons d'indulgence fiscale, Eric Woerth défend ainsi son intégrité :

"J'entends dire que j'aurais couvert je ne sais quelle fraude fiscale, est-ce que j'ai une tête à couvrir de la fraude fiscale ? J'ai été le premier ministre du budget a autant agir contre la fraude fiscale."

Sce: L'invité politique de Christophe Barbier sur LCI.
Utiliser les expressions à base de tête est toujours aventureux car, même en le voulant figuré, le sens littéral est motivé. Mise en question, elle est toujours un piège rhétorique car on ne peut répondre que non, oui serait insultant. C'est la raison pour laquelle cette question, quand elle est utilisée comme argument, est non-pertinente ; quand celle-ci ne se retourne pas carrément contre son énonciateur : recourir à une malhonnêteté intellectuelle pour défendre son honnêteté par ailleurs peut apparaître disqualifiant. Piège, disais-je, car, dans une société qui condamne le délit de faciès, "une tête à couvrir la fraude fiscale", ça n'existe pas. Donc, on ne devrait pas en faire l'objet d'une question.

Pour autant, la "tête" en question est pris au sens figuré, être du genre à ou avoir la réputation de, ce que révèle la suite de l'argumentaire d'Eric Woerth qui rappelle "[avoir agi] contre la fraude fiscale".


vendredi 9 juillet 2010

Chazal / Bettencourt : l'entretien


Par ces températures estivales, l'air de mon bureau est bien trop lourd pour une quelconque activité nécessitant l'intervention de mes neurones. Je prends donc le parti de fuir au loin, là-bas, près de la rivière, pour y trouver l'ombre des peupliers et le léger bruissement du vent dans les feuilles. Tout proche, j'entends les voix d'enfants hurlant leur joie dès qu'ils remontent un gardon. Plus loin, je distingue quelques silhouettes couchées dans l'herbe et qui savourent, je le suppose, je l'espère, la réussite d'un examen. Les images de Claire Chazal et Liliane Bettencourt s'inscrivent difficilement dans un décor qui m'invite à d'autres rêveries et explique en grande partie les raisons qui me poussent à m'attarder sur cette introduction qui, à l'instar de cette phrase, n'a que trop duré. Allez, luttons et revenons à nos moutons cathodiques.



Je partage peu ou prou le point de vue de Sybille Vincendon qui dans son article du Monde.fr souligne que l'entretien a été placé sous le signe de l'émotion par Claire Chazal. En effet, soit les questions incitaient à l'expression d'un sentiment, comme dans les exemples suivants :

- "Est-ce que cela vous fait souffrir ?"
- "... est-ce que vous avez envie vous aussi de la retrouver ?"
- "... est-ce qu'aujourd'hui ça vous choque..." ?
- "... comment vous réagissez ?"
- "... comment vous vivez ça ?"
- "... et ça vous fait souffrir, ça vous dérange ?"

Soit elle demandait une réaction face à un sentiment d'autrui, en l'occurrence "l'opinion publique" :

- "Est-ce que vous comprenez que l'opinion publique puisse être étonné par ces sommes ?"
- "Est-ce que vous comprenez que l'opinion publique soit étonné, choqué dans ces périodes de crise ?"


Cette dernière question est d'ailleurs la seule sur laquelle C.Chazal a insisté. Cela n'a a priori pas grande importance, du moins au point où j'en suis de mon analyse. Il y a eu également des questions factuelles, notamment celle qui répondait à l'actualité :
Claire Chazal : Mais dans ces enregistrements, il est question d'évasion fiscale, est-ce que vous étiez au courant ?
Liliane Bettencourt : de ?
C.C : ... du fait qu'il y avait pour vous des comptes à l'étranger, en Suisse par exemple ?
L.B : Écoutez, nous avons beaucoup d'affaires à l'étranger, nous travaillons beaucoup avec nos affaires à l'étranger. Qu'est-ce que ça veut dire "quelque chose de l'étranger" ? Évidemment on a des affaires, on a des immeubles. Quand on monte une affaire on va [... Ndr : segment inaudible] dans une boutique.
Là, il est bien difficile de donner une explication à la teneur de la réponse formulée par L.Bettencourt qui se contente de rappeler, en substance, qu'une entreprise multinationale est multinationale. Il nous faut donc déployer plusieurs hypothèses :

_ Soit elle n'a pas du tout compris la question.
_ Soit elle n'a retenu que la deuxième partie de la question. La réplique "de ?" laisse à penser qu'elle n'a pas entendu ou compris la première partie. De même, la question rhétorique qu'elle émet, "Qu'est-ce que ça veut dire quelque chose de l'étranger ?", semble interroger la pertinence de la question posée par C.Chazal qui, dans la deuxième partie de la question, ne mentionne plus la "question d'évasion fiscale".
_ Soit elle a compris la question et choisis délibérément de ne pas y répondre. Dans un premier temps, l'impératif "écoutez" peut servir ici pour remettre en perspective la question posée et ainsi éviter d'y répondre directement. Je m'explique** : la question posée est une question fermée, la formule "est-ce que... ?" demandant une réponse par la confirmation ou l'infirmation. Pour se dédouaner de cette obligation logique, on peut utiliser un artifice consistant à recadrer la question posée pour mieux y répondre. Dans ce sens, la question rhétorique et métadiscursive, "Qu'est-ce que ça veut dire quelque chose de l'étranger ?" peut être analysée comme une reformulation de la question posée, ainsi l'"évasion fiscale" via "des comptes à l'étranger" devient "quelque chose de l'étranger", expression très imprécise qui laisse dès lors à la locutrice tout liberté d'orienter sa réponse dans le sens qu'il lui convient le mieux.

Dans tous les cas, la réponse de L.Bettencourt ne saurait être qualifiée de pertinente. Faute de relance de la part de la journaliste, notamment pour préciser le "quelque chose de l'étranger", on ne sait pas si L.Bettencourt était ou non "au courant" de l'évasion fiscale.



** J'avoue manquer d'outils pour ce faire. Or je sais bien que ces formulations ont été étudiées en long, en large, et en travers, mais il m'est impossible d'en retrouver trace ; mon analyse sera donc tout à fait empirique.

mardi 6 juillet 2010

L'Élysée : "cela semble infondé mais..."

Depuis ce matin et l'entretien de l'ancienne comptable de Liliane et André Bettencourt publié sur Mediapart*, les dépêches s'affolent et la communication de l'Élysée aussi. Rappel des faits : Claire Thibout, ex-comptable des Bettencourt, affirme notamment qu'Éric Woerth, alors trésorier de l'UMP, aurait reçu lors de la dernière campagne présidentielle des sommes d'argent en espèce dépassant les plafonds autorisés par la loi dans le cadre du financement des partis politiques. Et voici ci-dessous les réactions de l'Élysée :

"totalement faux", d'après un "proche" du président contacté par RTL .

Une heure plus tard, un porte-parole de l'Élysée déclarera :

"Cela semble infondé, mais il faut voir avec le trésorier de la campagne"

Il semble que ces deux déclarations aient été émises sans concertation au préalable car, si elles ressortaient d'un plan de com', ce serait à l'évidence une bourde. Je les retranscris car elles mettent en lumière le poids de la modalisation, c-à-d la manière avec laquelle l’énonciateur apprécie le contenu de l’énoncé.

D'un côté, l'emploi de l'adjectif qualificatif "faux", qui porte un jugement sans équivoque, est renforcé par l'adverbe "totalement" qui montre la certitude du locuteur vis-à-vis de son énoncé.

De l'autre côté, l'emploi du verbe d'état à valeur modale "sembler" exprime un degré de certitude moindre. La conjonction de coordination "mais" marque non pas une opposition logique entre les deux propositions mais une concession au premier avis émis. Ainsi, la deuxième proposition "il faut voir..." suspend la prise de position de la part du locuteur en renvoyant à un élément de contexte extérieur : ce qu'en dira "le trésorier de la campagne", à savoir Éric Woerth.



* L'article est au moment où j'écris en consultation libre "pour des raisons exceptionnelles liées à un afflux de visites sur notre site", précise Mediapart.

lundi 5 juillet 2010

L'argument /ad hominem/ et Eric Besson


Ah l'argument ad hominem ! Avant même l'ouverture de ce blogue, j'avais griffonné sur mon indispensable pense-bête cet impératif "trouver arg ad hominem", je la vois cette mention, perdue parmi, pèle-mêle, quelques numéros de téléphone, la liste des courses, "retrouver le Blanat de Nino Ferrer" et d'autres considérations personnelles dont je ne ferai pas mention car elles m'éloigneraient d'autant de cet article qu'il me faut bien rédiger - je ne suis pas là pour raconter ma vie, je vous en prie, un peu de sérieux - ; reprenons. J'attendais donc le fameux ad hominem et il se présenta mercredi dernier, empruntant la voix d'Eric Besson.

L'argument ad hominem (littéralement "contre l'homme") est un procédé argumentatif qui vise à attaquer la crédibilité d'un interlocuteur en lui opposant ses paroles ou actes passés, ces derniers étant en contradiction avec la position qu'il défend. Voici le passage en question :

J-M Aphatie : Bonjour, Eric Besson.

Eric Besson : Bonjour, Jean-Michel Apathie.

J-M A : Ségolène Royal a déclaré, hier soir, sur TF1 : "Le système Sarkozy est aujourd'hui corrompu". Et bien entendu, à l'UMP, tout le monde s'indigne.

E.B : Eh bien, quand j'entends ça, je me dis que c'est surtout le système socialiste qui est perverti au sens où il a perdu ses repères. Qu'est-ce que ça veut dire, un parti qui est incapable de produire des idées, incapable de dire ce qu'il ferait dans un certain nombre de domaines et qui pratique une chasse à l'homme que je trouve honteuse ? Et songez au cocasse de la situation. J'entendais la conclusion de l'éditorial d'Alain Duhamel*.

Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, est le premier Président de la République à avoir demandé à ce que chaque année, le budget de l'Elysée soit "audité", comme on dit, examiné par la Cour des Comptes ; et celle qui attaque et qui parle d'un système Sarkozy - elle est prudente d'ailleurs, parce que sinon ça relèverait de la diffamation - ; mais le système, il a une chance, c'est qu'il ne peut pas porter plainte. Donc, elle parle d'un système Sarkozy, c'est celle qui a été condamnée pas soupçonnée, condamnée pour infraction à la législation du travail sur ses assistantes parlementaires. Donc, franchement, quelle république que celle qui a été condamnée attaque celui qui a voulu la transparence absolue.

* [Ndr] A.Duhamel y juge "modestes" les efforts d'économie annoncés concernant le budget de l'Elysée.
Sce : L'invité de RTL, le 30 juin 2010

Pour répondre à l'accusation portant sur un "système" "corrompu", E. Besson renvoie S.Royal à sa propre condamnation "pour infraction à la législation sur ses assistantes parlementaires". Ce procédé vise à discréditer la personne elle-même et affaiblir par contagion son accusation, c'est en quelque sorte une forme évoluée du trivial "c'est celui qui dit qui y est". Voilà, c'était ça l'argument ad hominem.

Il n'est pas non plus inutile de noter la construction des phrases d'E.Besson : elle sont longues, faites de nombreuses reprises, et apparaissent forcément alambiquées une fois posées sur le papier. Rien de plus naturel pour autant, l'oral permet de s'émanciper des rigueurs de la syntaxe. Une particularité pourtant, concernant le segment qu'il consacre à S.Royal : en droite ligne de l'argumentation ad hominem, la structure des phrases est orientée exclusivement vers S.Royal, le sujet grammatical y réfère : "celle qui attaque et qui parle...", puis dans l'incise "elle", puis dans la reprise "elle parle", et enfin en position d'attribut "celle qui a été condamnée...". Et je ne compte pas les expansions qui permettent d'accumuler les compléments des pronoms, mais les souligne toutefois :
celle qui attaque et qui parle d'un système Sarkozy - elle est prudente d'ailleurs, parce que sinon ça relèverait de la diffamation - ; mais le système, il a une chance, c'est qu'il ne peut pas porter plainte. Donc, elle parle d'un système Sarkozy, c'est celle qui a été condamnée pas soupçonnée, condamnée pour infraction à la législation du travail sur ses assistantes parlementaires.



NB : E.Besson note dans son commentaire l'indétermination du mot "système" et qui est commandée selon lui par la prudence. On peut dans la même veine y ajouter la tournure passive, "Le système Sarkozy est aujourd'hui corrompu", sans complément d'agent ; "corrompu" par qui ?


jeudi 1 juillet 2010

Frédéric Mitterrand : "Non, pratiquement pas"

Voilà une toute petite phrase croisée dans "Le Petit Journal Actu" du mercredi 23 juin 2010. À la question d'un journaliste : "On a parlé de la défaite des bleus au conseil des ministres ?" Frédéric Mitterrand répond : "Non, pratiquement pas".


À l'origine, je comptais m'attarder sur cette rapide correction ou concession du ministre, et puis l'analyse m'amenait bizarrement dans des conjonctures biscornues et qui ont fini par m'épuiser ; alors je ne retiendrai que l'adverbe "pratiquement" dans le sens qui est le sien ici, à savoir quasiment, presque. Si l'on réfléchit à l'étymologie du mot, on comprend bien mal le rapport de sens entre pratiquement et quasiment ; c'est qu'il n'y en a pas vraiment. Cette acception est issue de l'anglais où practically peut signifier almost, nearly (trad. presque). Non seulement nous l'avons importée mais encore celle-ci vient en concurrence des autres sens de l'adverbe pratiquement qui en deviennent presque désuets. Imaginez :

A.De manière pratique (p.oppos. à théorique). N'arrive-t-il pas que la volonté rende pratiquement prépondérant un motif qui, théoriquement, n'était pas la résultante des forces qui sollicitaient l'âme? (Boutroux, Contingence, 1874, p.124). Appliquer pratiquement un principe (...) ne signifie pas qu'on l'ait compris (Choisy, Psychanal., 1950, p.9).

B.Dans la pratique, concrètement. Elle a dit: Ne me quitte pas... Un cri de désespoir peut-être? Ah, si elle veut... Mais pratiquement, c'est bien difficile... Qu'elle vienne habiter avec moi, dans la banlieue? (Martin du G., J. Barois, 1913, p.531).

C. De manière pratique, commode. Organiser sa vie pratiquement (Lexis 1975).

Sce : Odieusement copié à partir de l'entrée "Pratiquement" du TLFI

Ah l'anglais...
 
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