Dans l'entame de son discours devant les ingénieurs et scientifiques de France, le 03 novembre 2010, François Fillon se livre à une "confidence" qui se poursuivra par une anecdote personnelle, le tout ayant pour but de détendre l'atmosphère et d'emporter la sympathie de son auditoire. Comme cette anecdote est en décalage par rapport à ce que l'on peut attendre d'un Premier ministre, ce dernier en avertit son auditoire par une prétérition, i.e une figure qui consiste à déclarer passer sous silence une chose en l'évoquant tout de même : "je n'ose pas raconter tout cela, mais...". Ici, la figure vise à signifier que ce qu'il va dire n'a pas tout à fait sa place, qu'il ne devrait pas raconter tout cela, mais le fait pourtant. Ainsi, il inscrit son discours dans le fil de la "confidence", d'une intimité dévoilée.
Mesdames et Messieurs,
c’est d’abord un immense succès que cette soirée, si j’en juge par le fait que tous les salons de Matignon sont remplis. Et puis je voudrais vous faire une confidence, je voulais être ingénieur. Et toute ma jeunesse j’ai…je n’ose pas raconter tout cela, mais* je bricolais avec des tas de machins électroniques et seule une mauvaise rencontre avec un mauvais professeur de mathématiques m’a fait échouer, s’agissant de cette ambition. Je n’ai pas complètement perdu de vue ce but que je poursuivais puisqu’il n’y a pas très longtemps, je crois que c’était il y a deux ans, mon fils le plus jeune qui devait avoir six ans allant à l’école à la rentrée, vous savez le maître demande toujours : qu’est-ce que font vos parents ? Et donc mon fils a répondu : « mon Papa, il répare des ordinateurs ». Voilà.
Sce : retranscription du discours du Premier ministre devant les ingénieurs et scientifiques de France, sur gouvernement.fr, le 03/11/2010.
Addendum : Une écoute attentive donne une retranscription d'un registre de langue plus courant : "j'ose pas raconter tout ça, mais...". Ce registre va de pair avec l'aspect confidentiel de l'épisode intime raconté.
Nb : Je ne sais trop pourquoi je m'intéresse tant aux prétéritions, peut-être leur ironie voire leur hypocrisie, ou bien encore les contradictions dont elles se jouent. Quoi qu'il en soit, j'ai déjà traité un cas récemment, celui de Nicolas Sarkozy qui assurait ne pas vouloir reprendre une phrase de Michel Rocard mais le faisait pourtant. Et puis la nuit dernière, tandis que je bouquinais en attendant le sommeil, j'ai croisé un nouvel exemple dans le roman Cité de verre de Paul Auster : "Il va sans dire que Quinn perdit pas mal de poids au cours de cette période". Cette occurrence est remarquable en ce qu'elle ne constitue pas une création littéraire car il va sans dire que c'est une expression d'usage courant, il va sans dire que... Cette expression a communément pour rôle de souligner une évidence.
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