mardi 21 juin 2011

Litotes de comptoir

"Celui qui a inventé l'échelle, on peut pas dire que ce soit un con. Par contre, celui qui a inventé l'étagère trop haute, je ne le félicite pas".

Sce : Brèves de comptoir, de Jean-Marie Gourio.

Une litote consiste à dire moins pour suggérer davantage, elle implique donc un sous-entendu que le destinataire doit retrouver.

lundi 23 mai 2011

La lettre de démission de Dominique Strauss-Kahn

Le 18 mai, Dominique Strauss-Kahn faisait part de sa démission au conseil d'administration du FMI. Ce courrier rendu public par le FMI sur son site internet a également été la première déclaration de D. Strauss-Kahn après son arrestation le 14 mai, et celui-ci en a profité pour glisser des messages qui n'ont traditionnellement rien à faire là. Doit-on évoquer sa femme qu'on aime plus que tout dans une lettre de démission ? Du coup, on peut se demander combien de destinataires sont visés par ce courrier. On voit ainsi poindre le schéma d'une double énonciation telle qu'on la rencontre au théâtre : un acteur s'adresse à un autre sur une scène (DSK au Conseil d'administration par le biais), et ces paroles sont aussi destinées aux spectateurs (nous tous par le biais d'une lettre qui est en réalité également une lettre ouverte). Voyez plutôt la retranscription :
    

"Ladies and Gentlemen of the Board:

C’est avec une infinie tristesse que je me vois obligé aujourd’hui de proposer au conseil d’administration ma démission de mon poste de directeur général du FMI.

Je pense d’abord en ce moment à ma femme – que j’aime plus que tout – à mes enfants, à ma famille, à mes amis.

Je pense aussi aux collaborateurs du FMI avec lesquels nous avons accompli de si grandes choses depuis plus de trois ans.

A tous, je veux dire que je réfute avec la plus extrême fermeté tout ce qui m’est reproché.

Je veux préserver cette institution que j’ai servi avec honneur et dévouement, et surtout, surtout, je veux consacrer toutes mes forces, tout mon temps et toute mon énergie à démontrer mon innocence".

Sce : Communiqué de presse n° 11/187 annonçant la démission de Dominique Strauss-Kahn, sur imf.org.



L'adresse, en anglais, est faite aux membre du Conseil d'administration du FMI et se traduit ainsi : Mesdames et messieurs du Conseil. Ce sont eux les destinataires privilégiés. Puis, après avoir évoqué ses proches et les collaborateurs du FMI, DSK reprend : "A tous, je veux dire...", le pronom indéfini "tous" renvoie à tous ceux cités préalablement, donc DSK les inclut comme destinataires. On s'éloigne déjà  sensiblement de la lettre de démission traditionnelle.   

D.Strauss-Kahn n'ignore pas que sa lettre de démission est sa première prise de parole et fera office de déclaration publique, mais nous ne sommes que spectateurs de cette scène étrange car le courrier ne nous est pas officiellement adressé.

Par ailleurs et autant dans la perspective de son procès que pour répondre aux commentaires le concernant, il dresse un portrait mélioratif de lui-même : un homme qui aime sa femme, un homme dévoué, un homme reconnaissant et enfin un homme déterminé. Le tout en ayant recours à des notions absolues que je ne m'attarderai pas à analyser car l'heure de l'apéro approche à grand pas : la tristesse est "infinie", la fermeté "la plus extrême", il aime "plus que tout", et consacre "toutes [ses] forces, tout [son] temps et toute [son] énergie"

mercredi 4 mai 2011

Il est cinq heures, Paris s'éveille

Parce que j'ai beaucoup ri en lisant l'article de Katja Kaufmann intitulé "Les yeux d'Elsa", je vous en souhaite autant. Elle analyse et se moque d'une image publicitaire dont l'objet est une montre baptisée Amour, le jour se lève. Au préalable, je vous laisse jeter un œil à l'affiche.

Sce : ventscontraires.net

mardi 3 mai 2011

Nicolas Sarkozy : "Pour ces victimes, justice est faite"

À l'annonce de la mort d'Oussama Ben Laden, le chef historique d'Al Qaïda, la Présidence de la République française a produit un communiqué où l'on peut lire :

"Pour ces victimes, justice est faite".

ndr :"ces victimes" renvoient aux victimes des attentats d'Al Qaïda.
Sce : "Mort d'Oussama Ben Laden", Elysee.fr.


Je me suis interrogé sur l'ambivalence qu'introduit la syntaxe de cette phrase à travers l'apposition en tête de phrase du segment "pour ces victimes". Sans cela, la phrase ne souffrirait d'aucune ambiguïté et ne pourrait se comprendre qu'ainsi : 

1. "Justice est faite [en faveur de/au bénéfice de] ces victimes". 

Mais l'apposition engendre une autre interprétation de la préposition "pour"  : 

2. "[Du point de vue de/en ce qui concerne] ces victimes, justice est faite".  

Dans le premier cas (1), c'est le locuteur, en l'occurrence Nicolas Sarkozy, qui assume l'idée que justice est faite. Dans le second cas (2), c'est le sentiment des victimes qui est retranscrit ; dès lors la proposition justice est faite prend le statut d'un discours rapporté au style indirect libre auquel le locuteur, N.Sarkozy, peut adhérer complètement ou encore prendre des distances vis-à-vis de cette idée. Rien ne permettant de lever l'ambiguïté, ce sera une véritable ambivalence.

Cet exemple étant subtil et afin d'illustrer au mieux le concept, voici un cas plus flagrant  : 
Pour le lecteur, cet article est inintéressant.

Faut-il en conclure que je dénigre mon travail ?


dimanche 17 avril 2011

"Jean-François, pourquoi t'aimes pas Nicolas Sarkozy ?"

On prétend que la vérité sort de la bouche des enfants (quand il s'agit plutôt de franchise) ; malheureusement les enfants sont également très influençables et capables de répéter n'importe quoi sans voir à mal. L'équipe du Petit Journal sur Canal+ a ainsi tendu un piège à Jean-François Copé en soufflant à des enfants quelques questions bien loin d'être pures et innocentes et que le chroniqueur  Yann Barthès annonce comme suit à Jean-François Copé : "Face à eux vous ne pouvez pas faire de langue de bois". Voici la question de Fanny, 9 ans :

Vidéo enregistrée :
Fanny : Jean-François, pourquoi t'aimes pas Nicolas Sarkozy ?

Plateau en direct :
Y. Barthès : Oh oh, ils sont mignons ! Réponse ?
J-F. Copé : Ah je participe au Petit journal ?
Y. B : Ah bien sûr...
J-F. C : Mais ça y est, je l'aime.
Y. B : C'est vrai ?
J-F. C : Voilà.
Y. B : Bon, je crois que Fanny a une réaction.

Vidéo enregistrée :
Fanny : Oh arrête la langue de bois, Jean-François !

Sce : Le Petit journal, Canal+, le 15/04/2011.

Je me suis intéressé à la question posée par Fanny parce qu'elle est biaisée. La tournure est une phrase interrogative partielle et porte sur le pourquoi, or répondre à ce pourquoi revient à valider la proposition : tu n'aimes pas N.Sarkozy, laquelle est posée comme vraie. Il va de soi que J-F. Copé ne peut ni ne veut laisser entendre : je n'aime pas Nicolas Sarkozy, c'est donc une question à laquelle il ne pourra pas répondre. Dès lors il ne pourra que taper à côté de la question, ou bien la dénoncer, ce qui sera identifié comme langue de bois. Ainsi, se referme le piège  ou plutôt le gag, les ficelles étant trop évidentes pour que tout ceci soit pris au sérieux. Cependant, on croise parfois des questions de cet acabit mais posées par des adultes très sérieux.

Il me faudra également revenir un jour prochain sur cette langue de bois tant honnie, car elle s'explique bien souvent par la nature des questions posées et qui ne laisse guère le choix à l'interlocuteur. 

lundi 4 avril 2011

Dans le collimateur

On m'a dit il y a peu, en l'occurrence la semaine passée :
« Fais attention, la Direction du C... t'a dans le collimateur.
- Tant que ça n'est pas dans la ligne de mire, ça va. » ai-je répondu.

J'avoue que j'ignorais jusqu'alors ce qu'était un collimateur, ce dernier s'avère être "un instrument de visée permettant un pointage précis" (définition du TLF), celui-ci pouvant comporter une mire, "petite pièce métallique fixée à l'extrémité du canon d'une arme à feu, qui permet de déterminer la ligne de visée" (TLF toujours). Donc les deux expressions sont synonymes. Je ne sais pas pourquoi mais être dans le collimateur m'avait toujours semblé moins grave que d'être dans la ligne de mire. Tant pis. 

samedi 26 février 2011

Indignez-vous, nous conseille Stéphane Hessel ; chiche !

Faut s'indigner, entend-on. Je mettrai volontiers à l'épreuve un passage de l'article de Stéphane Hessel. Dans la partie intitulée Mon indignation à propos de la Palestine, l'auteur revient sur l'opération "Plomb Durci" menée par Israël contre la bande de Gaza en 2008-2009. Pour situer le contexte, on rappellera les événements du 04 novembre 2008 qui sont à l'origine du conflit ultérieur :
L’armée israélienne a brisé dans la nuit de mardi à mercredi (le 04/11/2008,ndr) la trêve qui prévalait avec le Hamas palestinien, en effectuant une incursion qui a causé la mort de six activistes palestiniens. Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a répliqué en tirant une cinquantaine de roquettes en direction du territoire israélien, sans faire de victime. Cet incident est le premier depuis la conclusion, en juin, d’une trêve entre le mouvement islamiste palestinien et le gouvernement israélien.
Sce : "Israël rompt la trêve à Gaza, le Hamas réplique par des roquettes", sur Libération.fr

Le 19/12/2008, le Hamas ne renouvellera pas la trêve qui avait été décidée 6 mois plus tôt, le 27 décembre Israël déclenchera l'opération "Plomb Durci". Pour le déroulement des opérations, je renvoie à une suite d'articles de 20minutes.fr : "Retour sur les événements au seizième jour de conflit", "Dix-neuvième jour: Au moins 1.000 morts", "Gaza, jour 21"

Et voici ce qu'écrit Stéphane Hessel :
"Je sais, le Hamas qui avait gagné les dernières élections législatives n'a pas pu éviter que des rockets soient envoyées sur les villes israéliennes en réponse à la situation d'isolement et de blocus dans laquelle se trouvent les Gazaouis. Je pense bien évidemment que le terrorisme est inacceptable, mais il faut reconnaître que lorsque l'on est occupé par des moyens militaires infiniment supérieurs aux vôtres, la réaction populaire ne peut pas être que* non-violente."


* en italique dans le texte.
Sce : Indignez-vous !, Stéphane Hessel, Ed.Indigène Editions, p.18.
Du paragraphe cité, j'extrais la phrase suivante et, appliquant le docte conseil, me demande : faut-il s'en indigner ou non ?
 
[...] le Hamas [...] n'a pas pu éviter que des rockets soient envoyées sur les villes israéliennes.

Afin de ne pas se méprendre éclairons le sens des mots employés :
  • Ne pas pouvoir : ne pas avoir la capacité de. (selon TLF)
  • Eviter : Faire que quelque chose n'ait pas lieu. (selon TLF)
Ainsi, le Hamas n'aurait pas eu la capacité de faire que des roquettes ne soient pas envoyées sur les villes israéliennes. On notera également la tournure passive "...que des rockets soient envoyées" et on s'interrogera à dessein sur le complément d'agent manquant : par qui ces roquettes ont-elles été envoyées ? En la matière, la lecture de l'article de Libération mentionné plus haut nous apprend que : 
"En représailles, le Hamas a tiré 53 obus et roquettes vers Israël, atteignant la ville d’Ashkelon sans faire ni dégâts ni victimes".

Constatant comme un décalage, on peut se laisser aller à penser que la phrase de Stéphane Hessel vise à déresponsabiliser le Hamas, le rendant passif face à une situation qu'il ne pouvait éviter. C'est un constat pour le moins étonnant, et, faut-il s'en indigner ?  

 
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