lundi 23 mai 2011

La lettre de démission de Dominique Strauss-Kahn

Le 18 mai, Dominique Strauss-Kahn faisait part de sa démission au conseil d'administration du FMI. Ce courrier rendu public par le FMI sur son site internet a également été la première déclaration de D. Strauss-Kahn après son arrestation le 14 mai, et celui-ci en a profité pour glisser des messages qui n'ont traditionnellement rien à faire là. Doit-on évoquer sa femme qu'on aime plus que tout dans une lettre de démission ? Du coup, on peut se demander combien de destinataires sont visés par ce courrier. On voit ainsi poindre le schéma d'une double énonciation telle qu'on la rencontre au théâtre : un acteur s'adresse à un autre sur une scène (DSK au Conseil d'administration par le biais), et ces paroles sont aussi destinées aux spectateurs (nous tous par le biais d'une lettre qui est en réalité également une lettre ouverte). Voyez plutôt la retranscription :
    

"Ladies and Gentlemen of the Board:

C’est avec une infinie tristesse que je me vois obligé aujourd’hui de proposer au conseil d’administration ma démission de mon poste de directeur général du FMI.

Je pense d’abord en ce moment à ma femme – que j’aime plus que tout – à mes enfants, à ma famille, à mes amis.

Je pense aussi aux collaborateurs du FMI avec lesquels nous avons accompli de si grandes choses depuis plus de trois ans.

A tous, je veux dire que je réfute avec la plus extrême fermeté tout ce qui m’est reproché.

Je veux préserver cette institution que j’ai servi avec honneur et dévouement, et surtout, surtout, je veux consacrer toutes mes forces, tout mon temps et toute mon énergie à démontrer mon innocence".

Sce : Communiqué de presse n° 11/187 annonçant la démission de Dominique Strauss-Kahn, sur imf.org.



L'adresse, en anglais, est faite aux membre du Conseil d'administration du FMI et se traduit ainsi : Mesdames et messieurs du Conseil. Ce sont eux les destinataires privilégiés. Puis, après avoir évoqué ses proches et les collaborateurs du FMI, DSK reprend : "A tous, je veux dire...", le pronom indéfini "tous" renvoie à tous ceux cités préalablement, donc DSK les inclut comme destinataires. On s'éloigne déjà  sensiblement de la lettre de démission traditionnelle.   

D.Strauss-Kahn n'ignore pas que sa lettre de démission est sa première prise de parole et fera office de déclaration publique, mais nous ne sommes que spectateurs de cette scène étrange car le courrier ne nous est pas officiellement adressé.

Par ailleurs et autant dans la perspective de son procès que pour répondre aux commentaires le concernant, il dresse un portrait mélioratif de lui-même : un homme qui aime sa femme, un homme dévoué, un homme reconnaissant et enfin un homme déterminé. Le tout en ayant recours à des notions absolues que je ne m'attarderai pas à analyser car l'heure de l'apéro approche à grand pas : la tristesse est "infinie", la fermeté "la plus extrême", il aime "plus que tout", et consacre "toutes [ses] forces, tout [son] temps et toute [son] énergie"

mercredi 4 mai 2011

Il est cinq heures, Paris s'éveille

Parce que j'ai beaucoup ri en lisant l'article de Katja Kaufmann intitulé "Les yeux d'Elsa", je vous en souhaite autant. Elle analyse et se moque d'une image publicitaire dont l'objet est une montre baptisée Amour, le jour se lève. Au préalable, je vous laisse jeter un œil à l'affiche.

Sce : ventscontraires.net

mardi 3 mai 2011

Nicolas Sarkozy : "Pour ces victimes, justice est faite"

À l'annonce de la mort d'Oussama Ben Laden, le chef historique d'Al Qaïda, la Présidence de la République française a produit un communiqué où l'on peut lire :

"Pour ces victimes, justice est faite".

ndr :"ces victimes" renvoient aux victimes des attentats d'Al Qaïda.
Sce : "Mort d'Oussama Ben Laden", Elysee.fr.


Je me suis interrogé sur l'ambivalence qu'introduit la syntaxe de cette phrase à travers l'apposition en tête de phrase du segment "pour ces victimes". Sans cela, la phrase ne souffrirait d'aucune ambiguïté et ne pourrait se comprendre qu'ainsi : 

1. "Justice est faite [en faveur de/au bénéfice de] ces victimes". 

Mais l'apposition engendre une autre interprétation de la préposition "pour"  : 

2. "[Du point de vue de/en ce qui concerne] ces victimes, justice est faite".  

Dans le premier cas (1), c'est le locuteur, en l'occurrence Nicolas Sarkozy, qui assume l'idée que justice est faite. Dans le second cas (2), c'est le sentiment des victimes qui est retranscrit ; dès lors la proposition justice est faite prend le statut d'un discours rapporté au style indirect libre auquel le locuteur, N.Sarkozy, peut adhérer complètement ou encore prendre des distances vis-à-vis de cette idée. Rien ne permettant de lever l'ambiguïté, ce sera une véritable ambivalence.

Cet exemple étant subtil et afin d'illustrer au mieux le concept, voici un cas plus flagrant  : 
Pour le lecteur, cet article est inintéressant.

Faut-il en conclure que je dénigre mon travail ?


 
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